Alcools

Objet d'étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours

Problématique générale : Alcools, "boutique de brocanteur" ou création personnelle ?

Support : Alcools, éd. GF/Flammarion.

Exposés possibles : la ville moderne ; l'alcool ; le voyage ; l'automne ; les femmes ; le mythe d'Orphée.

Séance 01

"Le dernier des poètes élégiaques"

Oral

Observation

1. Comparez les deux états du texte. Quelles différences remarquez-vous ? Que souligne la version retenue par l'auteur ?

2. Ecoutez la lecture faite par Apollinaire en 1913 du poème sur Ubuweb. Quelles remarques pouvez-vous faire ?

Pistes

Les Soirées de Paris, 1912 (premier état du texte).

Alcools, 1913 (version définitive).

Séance 02

Nuit Rhénane

Oral

Recherche

Pistes

Exposé : l'alcool

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme

Écoutez la chanson lente d'un batelier

Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes

Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds


Debout chantez plus haut en dansant une ronde

Que je n'entende plus le chant du batelier

Et mettez près de moi toutes les filles blondes

Au regard immobile aux nattes repliées


Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent

Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter

La voix chante toujours à en râle-mourir

Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été


Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

Séance 03

Zone

Cette séance est consacrée à l'étude du poème liminaire du recueil

Explication

Comparez Zone, v. 1 à 24, et le poème suivant, dont Apollinaire s'est inspiré.

1. Quel tableau de la ville moderne chacun de ces poèmes dresse-t-il ?

2. Comment la quête de spiritualité de l'homme est-elle exprimée dans ces poèmes ?

Pistes

Exposé : les villes modernes

Le Cygne

À Victor Hugo

I

Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,

Pauvre et triste miroir où jadis resplendit

L’immense majesté de vos douleurs de veuve,

Ce Simois menteur qui par vos pleurs grandit,


A fécondé soudain ma mémoire fertile,

Comme je traversais le nouveau Carrousel.

Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville

Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) ;


Je ne vois qu’en esprit tout ce camp de baraques,

Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,

Les herbes, les gros blocs verdis par l’eau des flaques,

Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.


Là s’étalait jadis une ménagerie ;

Là je vis, un matin, à l’heure où sous les cieux

Froids et clairs le Travail s’éveille, où la voirie

Pousse un sombre ouragan dans l’air silencieux,


Un cygne qui s’était évadé de sa cage,

Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,

Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.

Près d’un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec


Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,

Et disait, le cœur plein de son beau lac natal :

"Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? »

Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,


Vers le ciel quelquefois, comme l’homme d’Ovide,

Vers le ciel ironique et cruellement bleu,

Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,

Comme s’il adressait des reproches à Dieu !

II

Paris change ! mais rien dans ma mélancolie

N’a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,

Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,

Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.


Aussi devant ce Louvre une image m’opprime :

Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,

Comme les exilés, ridicule et sublime,

Et rongé d’un désir sans trêve ! et puis à vous,


Andromaque, des bras d’un grand époux tombée,

Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,

Auprès d’un tombeau vide en extase courbée ;

Veuve d’Hector, hélas ! et femme d’Hélénus !


Je pense à la négresse, amaigrie et phthisique,

Piétinant dans la boue, et cherchant, l’œil hagard,

Les cocotiers absents de la superbe Afrique

Derrière la muraille immense du brouillard ;


À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve

Jamais, jamais ! à ceux qui s’abreuvent de pleurs

Et tètent la Douleur comme une bonne louve !

Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !


Ainsi dans la forêt où mon esprit s’exile

Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !

Je pense aux matelots oubliés dans une île,

Aux captifs, aux vaincus !… à bien d’autres encor !

C. Baudelaire, Tableaux Parisiens, in Les Fleurs du mal, 1857.


Les Pâques à New York

Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom,

J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion


Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles

Qui pleurent dans un livre, doucement monotones.


Un moine d'un vieux temps me parle de votre mort.

Il traçait votre histoire avec des lettres d'or. [...]


Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,

Peut-être à cause d'un autre. Peut-être à cause de Vous.


Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice

Est ici, parquée tassée, comme du bétail, dans les hospices.


D'immenses bateaux noirs viennent des horizons

Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.


Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,

Des Russes, des Bulgares, des Persans, des Mongols.


Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.

On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.


C'est leur bonheur à eux que cette sale pitance.

Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance. [...]


J'aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église ;

Mais il n'y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.


Je pense aux cloches tues : - où sont les cloches anciennes ?

Où sont les litanies et les douces antiennes ? [...]

Seigneur, l'aube a glissé froide comme un suaire

Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.


Déjà un bruit immense retentit sur la ville.

Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.


Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.

Les ponts sont secoués par les chemins de fer.


La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,

Des sirènes à vapeur rauquent comme des huées.


Une foule enfiévrée par les sueurs de l'or

Se bouscule et s'engouffre dans de longs corridors.


Trouble, dans le fouillis empanaché de toits,

Le soleil, c'est votre Face souillée par les crachats.


Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne...

Ma chambre est nue comme un tombeau...


Seigneur, je suis tout seul et j'ai la fièvre...

Mon lit est froid comme un cercueil...


Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents...

Je suis trop seul. J'ai froid. Je vous appelle...


Cent mille toupies tournoient devant mes yeux...

Non, cent mille femmes... Non, cent mille violoncelles...


Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses...

Je pense, Seigneur, à mes heures en allées...


Je ne pense plus à Vous. Je ne pense plus à Vous.

New York, avril 1912.

B. Cendrars, Les Pâques à New York, Du Monde entier, 1912.


Zone

À la fin tu es las de ce monde ancien


Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin


Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine


Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes

La religion seule est restée toute neuve la religion

Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation


Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme

L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X

Et toi que les fenêtres observent la honte te retient

D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin

Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut

Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux

Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières

Portraits des grands hommes et mille titres divers


J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom

Neuve et propre du soleil elle était le clairon

Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes

Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent

Le matin par trois fois la sirène y gémit

Une cloche rageuse y aboie vers midi

Les inscriptions des enseignes et des murailles

Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent

J'aime la grâce de cette rue industrielle

Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

G. Apollinaire, Zone, in Alcools, 1913.

Séance 04

Apollinaire et le cubisme

Cette séance est destinée à souligner les liens entre poésie et peinture

Observation

1. Comment les différentes techniques utilisées s'opposent-elles ?

2. A propos de Picasso, Apollinaire écrit en 1913 : "Picasso étudie un objet comme un chirurgien dissèque un cadavre" (Méditations esthétiques, Les Peintres cubistes).

3. Repérez les points de convergence entre le tableau de Picasso et la poésie d'Apollinaire.

P. Picasso, Bouteille de Vieux-Marc, verre et journal, 1913, fusain, papiers collés et épinglés sur papier.

Séance 05

"J'émerveille"

Cette séance est consacrée à l'étude de la composition du recueil

Recherche

1. Observez l'alternance des formes entre les trois premiers poèmes : Zone (p. 11-18), Le Pont Mirabeau (p. 19-20) et La Chanson du Mal-aimé (p. 21-35). Que remarquez-vous ?

2. Observez l'ensemble composé par La Chanson du Mal-Aimé (p. 21-35). Comment cet ensemble paraît-il organisé ?

3. Comparez des poèmes voisins, tels que par exemple Marie (p. 66) et La Blanche Neige (p. 67), ou Hôtels (p. 157) et Cors de chasse (p. 159).

4. Dans sa critique d'Alcools, G. Duhamel écrit, à propos du recueil :

Je dis : boutique de brocanteur parce qu'il est venu échouer dans ce taudis une foule d'ojets hétéroclites dont certains ont de la valeur, mais dont aucun n'est le produit de l'industrie du marchand même. C'est bien là une des caractéristiques de la brocante : elle revend ; elle ne fabrique pas. Elle revend parfois de curieuses choses ; il se peut qu'on trouve, dans ses étalages crasseux, une pierre de prix montée sur un clou. Tout cela vient de loin ; mais la pierre est agréable à voir. Pour le reste, c'est un assemblage de faux tableaux, de vêtements exotiques et rapiécés, d'accessoires pour bicyclettes et d'instruments d'hygiène privée. Une truculente et étourdissante variété tient lieu d'art, dans l'assemblage des objets.

G. Duhamel, article paru dans le Mercure de France, 16 juin 1913.

a. Qu'est-ce que G. Duhamel reproche à Apollinaire ? Justifiez sa critique par des exemples tirés d'Alcools.

b. Imaginez la réponse qu'un critique fervent partisan d'Apollinaire pourrait faire à G. Duhamel.

Pistes

Parcours

A travers le recueil

Recherche

Préparez un bref exposé (5-10 minutes) sur deux des thèmes suivants :

  • le voyage : "Zone", "Le Voyageur", "L'émigrant de Landor Road", "Cors de chasse"
  • les femmes : "Clotilde", "Lul de Faltenin", "Nuit rhénane" et "Automne malade", Rosemonde, Marizibill
  • le mythe d'Orphée : "La Chanson du Mal-Aimé", "Poème lu au mariage d'André Salmon", "Signe" et "Cors de chasse"
  • l'automne : Les Colchiques, L'Automne
  • l'alcool : Nuit Rhénane, Vendémiaire
  • les villes modernes : "Zone", "La Chanson du Mal-Aimé", "Vendémiaire"

Vous présenterez chaque poème (vous situerez le texte, lirez quelques vers, résumerez le propos), puis vous mettrez en évidence les points communs entre les deux.

L'exposé

Éléments restrictifs

Une prestation orale ne peut atteindre la moyenne si l'un des éléments suivants est présent :

- l'exposé montre que les poèmes ne sont pas compris

- l'exposé est une simple redite des poèmes

- l'exposé n'est pas compréhensible en plusieurs endroits

- l'exposé est très court

/20 De 1 à 5 De 6 à 10 De 11 à 15 De 16 à 20
S'exprimer à l'oral

L'expression et le niveau de langue orale sont acceptables.

L'expression et le niveau de langue orale sont corrects.

L'expression est fluide et le niveau de langue orale est correct.

La lecture est correcte.

L'élève s'adresse à son auditeur.

L'expression est fluide et le niveau de langue orale est correct.

La lecture est vivante et expressive.

L'élève communique avec aisance et conviction.

Lire, analyser, interpréter ; tisser des liens entre différents textes

Le sens littéral des deux poèmes est globalement compris.

Le sens littéral des deux poèmes est compris.

Un rapprochement est effectué entre les deux poèmes.

Le sens littéral des deux poèmes est compris.

Plusieurs rapprochements sont effectués entre les deux poèmes.

Le sens littéral des deux poèmes est compris ; l'implicite des poèmes est perçu.

Plusieurs rapprochements sont effectués entre les deux poèmes.

Les rapprochement mettent en évidence un sens commun aux poèmes.

Construire un jugement argumenté

La réponse est structurée : introduction, développement, conclusion.

La réponse est structurée et suit une logique perceptible.

Des références précises au texte sont faites.

La réponse est structurée et suit une logique explicite et pertinente.

Des références précises au texte sont faites.

Mobiliser une culture littéraire

Des connaissances linguistiques et littéraires sont utilisées à plusieurs reprises.

Des connaissances linguistiques et littéraires sont utilisées régulièrement pour éclairer le texte.