En et y, pronoms adverbiaux

En et y sont originellement des adverbes de lieu. "En" est issu de la forme adverbiale latine "inde" ( = de là ), "y" est issu de "ibi" ( = à cet endroit ). De cette origine adverbiale, ils ont conservé leur propriété morphologique essentielle: l'invariabilité.

Grammaire du français, Sancier, Denis-Chateau, LGF, 1994

Pronoms clitiques, ils ont pour point commun de pronominaliser des GP. Cependant, les emplois de en sont plus diversifiés et plus souples que ceux de y.

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )

1. Place et fonctionnement

En et y se distinguent des autres pronoms clitiques en ce qu'ils sont invariables en genre et en nombre. Cette invariabilité s'explique par le fait qu'ils pronominalisent des GP et non des GN. Or dans un GP, c'est la préposition, invariable, qui joue le rôle de la tête. Dans les combinaisons de clitiques, la place de en et y est la même, la dernière :

Je lui en/ iI m'y / je ne lui en...

*J'en le / *il en ne / *il y le...

Ce principe est également respecté si le verbe se trouve à gauche ( « Parlez-lui-en », « Tenez-vous-y » ) mais la langue courante connaît quelques flottements ( « Parlez-en-lui », « Tenez-y-vous » ).

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )

2. En et Y pronoms

En tant qu' éléments anaphoriques, en et y reprennent des GP introduits respectivement par de et à, c'est-à-dire les prépositions les plus désémantisées du français. Chose remarquable, cette pronominalisation est souvent mécanique, indifférente à l'interprétation des GP. Il suffit que le complément du verbe comporte de ou à :

Je viens de Paris > J'en viens

Je bois de la bière > J'en bois

Je suis content de Paul > J'en suis content

Je vis à Lyon > J'y vis

Je recours à la loi > J'y recours

Je suis apte au combat > J'y suis apte

Néanmoins le GP en de doit figurer dans le GV. Cela exclut les circonstanciels, du moins pour en, car y est plus tolérant :

Je voyage de nuit > *J'en voyage

A Lyon j'ai rencontré Luc > J'y ai rencontré Luc

mais cela ne vaut que pour les circonstanciels de lieu « *j'y (= à la nuit) serai arrivé » / « *il y (= à sa recherche) parcourt la ville »...). Il arrive que y pronominalise des GP dépourvus de la préposition à, mais seulement s'ils ont une interprétation locative :

Léon dort sous la table > Léon y dort

Max viendra sous quinzaine > *Chloé y viendra

Ces deux clitiques ne sont pas soumis aux mêmes contraintes sémantiques: alors que en peut anaphoriser n'importe quel GP en de (même si « Je parle de lui » (= Paul) est jugé plus élégant que« J'en parle » ), le clitique y ne vaut en principe que pour les non animés : « Je parle à Marie » > « *J'y parle ». Mais dans l'usage, les choses sont moins strictes: on trouve: « J'y pense » ou « J'yrecours », par exemple, lorsque y pronominalise un humain. De cette façon, les locuteurs régularisent un paradigme qui exclut « * Je lui pense » ou « *Je lui recours ». L'anaphore du déterminant indéfini ( « Paul a un lion/Paul en a un » ) pose un problème particulier: elle fait apparaître un "en" alors que l'article "un" n'est pas suivi d'un "de".

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )

"En" pronominalise des groupes prépositionnels introduits par "de", préposition marquant originellement le point de départ, l'origine. Ainsi en peut assumer diverses fonctions.

"Y" pronominalise des groupes prépositionnels principalement introduits par "à", préposition qui indiquait à l'origine l'endroit où l'on est aussi bien que celui où l'on va. Les emplois de "à" se sont ensuite étendus; de même, "y" peut assumer des fonctions diverses.

Grammaire du français, Sancier, Denis-Chateau, LGF, 1994

3. En et Y dans les locutions verbales

Un grand nombre de locutions verbales intègrent en ou y: « y aller de bon coeur », « s'y connaître », « y croire », « s'en prendre à »,« s'en faire », « en vouloir à »...

L'intérêt de ce phénomène, c'est qu'on a une pronominalisation sans antécédent. Parfois on parvient à en rétablir un pour l'interprétation (s'en faire = « se faire du souci »...), mais dans la plupart des cas il n'y a même pas de compléments qui correspondent :

* vouloir à quelqu'un de quelque chose

* se connaître à...

Par certains aspects, ce phénomène est comparable à celui des verbes dits « intrinsèquement pronominaux », tels s'évanouir: dans les deux cas, on a affaire à des clitiques qu'il est difficile d'interpréter comme des compléments du verbe.

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )

4. Emplois spécifiques de En

4.1. En et le gérondif

Ce qu'on appelle le gérondif correspond en français à une phrase circonstancielle à sujet nul dont le verbe au participe présent est précédé par en :

Il se charge [en arrivant].

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )

4.2. En préposition

À la différence d'une préposition locative comme dans ou sur, la préposition en n' est pas employée librement. Sa présence est liée soit à son appartenance à certaines locutions, soit à des ensembles lexicaux particuliers : des locutions: en tête de, en cachette, en foule, en colère, en connaissance de cause, etc. ; des compléments de verbes: croire en, abonder en, s 'y connaître en, etc. ; des GP circonstanciels :

- locatifs: des règles compliquées associent en avec des noms de pays, de grandes îles, de provinces non précédées d'un déterminant : en France, en Corse, en Bretagne ;

- temporels: en 1477, en été, en un jour, etc. ;

- sont aussi concernées des classes très limitées: véhicules ( en vélo, en train... ), vêtements ( en bermuda, en veste ), matières ( en bois, en marbre )... De prime abord, on comprend mal qu'on puisse dire chasser en forêt et non *chasser en bois ou quelle est la différence exacte entre une statue de fer et en fer.

Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 ( troisième édition )