Alchimie poétique : la boue et l'or

Problématique : Comment la poésie peut-elle transformer le trivial en sublime ?

Ô vous, soyez témoins que j'ai fait mon devoir

Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.


Car j'ai de chaque chose extrait la quintessence,


Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or.

Baudelaire, Ébauche d'un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du. Mal,

Séance 01

La poésie des choses triviales

Oral

Selon vous, qu'est-ce qui fait la poésie d'un texte ?

Pistes

Prolongement

Préparez une lecture orale de ce poème.

Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.

Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant

Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.

Les ânes revenaient du marché de la ville,

Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.

C'était le vieux qui vit dans une niche au bas

De la montée, et rêve, attendant, solitaire,

Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,

Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.

Je lui criai : - Venez vous réchauffer un peu.

Comment vous nommez-vous ? - Il me dit : - Je me nomme

Le pauvre. - Je lui pris la main : - Entrez, brave homme. -

Et je lui fis donner une jatte de lait.

Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait.

Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.

- Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre

Devant la cheminée. - Il s'approcha du feu.

Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,

Étalé largement sur la chaude fournaise,

Piqué de mille trous par la lueur de braise,

Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.

Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé

D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,

Je songeais que cet homme était plein de prières,

Et je regardais, sourd à ce que nous disions,

Sa bure où je voyais des constellations.

Décembre 1854.

Victor Hugo, Les Contemplations, livre V, En marche, 1856.

Séance 02

Au pays de la magie

Oral

1. Cherchez la définition du "poème en prose".

2. Qu'est-ce qui fait la poésie de ce texte ?

Quoiqu'ils sachent parfaitement que les étoiles sont autre chose que des lumières considérables sur l'apparence du ciel, ils ne peuvent s'empêcher de faire des semblants d'étoiles pour plaire à leurs enfants, pour se plaire à eux-mêmes, un peu par exercice, par spontanéité magique.

Celui qui n'a qu'une petite cour lui fait un plafond fourmillant d'étoiles qui est la chose la plus belle que j'ai vue. Cette pauvre cour, entourée de murs fatigués au point de paraître plaintifs, sous ce ciel personnel, étincelant, grondant d'étoiles, quel spectacle ! J'ai souvent réfléchi et tenté de calculer à quelle hauteur pouvaient bien se trouver ces étoiles ; sans y arriver, car si quelques voisins en profitent, leur nombre est peu considérable et ils les voient assez floues. Par contre, elles ne passent jamais sous un nuage.

Toutefois, j'ai remarqué qu'on prenait grand soin de leur éviter les environs de la lune, par crainte sans doute de les faire passer devant par distraction.

Il paraît que plus que toute autre manifestation de force magique, celle-ci excite l'envie et les désirs. Les voisins luttent, luttent hargneusement, essaient de souffler les étoiles d'à côté. Et des vengeances sans fin s'ensuivent.

Henri Michaux, Au Pays de la Magie, 1941.

Écriture

Vous rédigerez un commentaire sur ce poème, en vous appuyant sur la proposition de plan suivant :

Accroche pour l'introduction : le poème en prose

I. Un cadre prosaïque

1. Une chronique de voyage

2. Des lieux ordinaires et sans intérêt

3. Des personnages mesquins et indifférenciés

II. Une poésie merveilleuse

1. Un ciel magique fascinant

2. L'étonnement et l'admiration du narrateur

3. Un jeu desintéressé

Ouverture en conclusion : Le Mendiant ou un poème de Baudelaire.