Support : Jean Racine, Britannicus.
Problématique : Dans quelle mesure cette tragédie nous montre-t-elle la "naissance d'un monstre" ?
Que nous apprend la didascalie initiale ?
Quelles remarques pouvez-vous faire sur l'affiche du spectacle ?
Observez la mise en scène de Stéphane Braunschweig (2016) de I, 1. Quelle intrigue se dessine ?
PERSONNAGESNÉRON, empereur, fils d'Agrippine. BRITANNICUS, fils de l'empereur Claudius et de Messaline. AGRIPPINE, veuve de Domitius Ænobarbus, père de Néron, et en secondes noces, veuve de l'empereur Claudius. JUNIE, amante de Britannicus. BURRHUS, gouverneur de Néron. NARCISSE, gouverneur de Britannicus. ALBINE, confidente d'Agrippine. GARDES. La scène est à Rome, dans une chambre du palais de Néron. Jean Racine, Britannicus, 1669 |
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1. Classez les différents sens du mot "appareil" : dans le plus simple appareil ; l'appareil respiratoire ; un appareil dentaire ; les appareils de bord ; l'appareil critique d'un livre ; un appareil photo ; un appareil à crême prise ; en appareil en vol.
2. Trouvez cinq mots de la même famille que "ravi".
1. Préparez une lecture à haute voix du texte ci-contre.
2. Quelles sont les différentes étapes du récit de Néron ?
3. Que pensez-vous de son amour ?
NÉRON
Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.
NARCISSE
Vous !
NÉRON
Depuis un moment, mais pour toute ma vie.
J'aime, que dis-je, aimer ? j'idolâtre Junie.
NARCISSE
Vous l'aimez !
NÉRON
Excité d'un désir curieux,
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes ;
Belle sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,
Relevaient de ses yeux les timides douceurs.
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :
Immobile, saisi d'un long étonnement,
Je l'ai laissé passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que, solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
Trop présente à mes yeux je croyais lui parler ;
J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce :
J'employais les soupirs, et même la menace.
Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour.
Jean Racine, Britannicus, II, 2, 1669.
Lisez II, 2 et 3.
Rédigez, dans votre journal de lecteur, trois entrées du journal personnel de Junie : la veille, au petit matin avant l'entrevue avec Néron, après l'entrevue avec Néron.
Vous pouvez écrire en prose ou en vers.
Rédigez des instructions pour mettre en scène cette scène de façon à mettre en évidence les enjeux dramatiques de cet extrait.
1. Vous donnerez, aux acteurs, des indications de jeu.
2. Vous ferez, pour le scénographe, une suggestion de décor sous forme d'esquisse et/ou de plan.
Dans cet extrait, qui parle à qui ?
BRITANNICUS
Parlez : nous sommes seuls. Notre ennemi, trompé,
Tandis que je vous parle, est ailleurs occupé.
Ménageons les moments de cette heureuse absence.
JUNIE
Vous êtes en des lieux tout pleins de sa puissance :
Ces murs mêmes, seigneur, peuvent avoir des yeux ;
Et jamais l'empereur n'est absent de ces lieux.
BRITANNICUS
Et depuis quand, madame, êtes-vous si craintive ?
Quoi ! déjà votre amour souffre qu'on le captive ?
Qu'est devenu ce cœur qui me jurait toujours
De faire à Néron même envier nos amours ?
Mais bannissez, madame, une inutile crainte :
La foi dans tous les cœurs n'est pas encore éteinte ;
Chacun semble des yeux approuver mon courroux ;
La mère de Néron se déclare pour nous.
Rome, de sa conduite elle-même offensée…
JUNIE
Ah ! seigneur ! vous parlez contre votre pensée.
Vous-même vous m'avez avoué mille fois
Que Rome le louait d'une commune voix ;
Toujours à sa vertu vous rendiez quelque hommage ;
Sans doute la douleur vous dicte ce langage.
BRITANNICUS
Ce discours me surprend, il le faut avouer :
Je ne vous cherchais pas pour l'entendre louer.
Quoi ! pour vous confier la douleur qui m'accable,
À peine je dérobe un moment favorable ;
Et ce moment si cher, madame, est consumé
À louer l'ennemi dont je suis opprimé !
Jean Racine, Britannicus, II, 6, 1669.
Réécrivez la phrase en utilisant l'ordre des mots du français moderne et indiquez le sens des mots soulignés.
a. BURRHUS. [...] Cette férocité que tu croyais fléchir,
De tes faibles liens est prête à s'affranchir. (III, 2, v. 801-802).b. AGRIPPINE. [...] Une autre de César a surpris la tendresse,
Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse. (III, 4, v. 881-882).c. BRITANNICUS. Néron nous écoutait, Madame ! Mais hélas !
Vos yeux auraient pu feindre et ne m'abuser pas. (III, 7, v. 993-994)d. JUNIE. [...] Combien de fois, hélas ! puisqu'il faut vous le dire
Mon cœur de son désordre allait-il vous instruire ? (III, 7, v. 999-1000).
Qui dit quoi ? Indiquez quel personnage dit quelle réplique.
a. Croyez-moi, quelque amour qui semble vous charmer,
On n'aime point, Seigneur, si l'on ne veut aimer.b. Bientôt si je ne romps ce funeste lien,
Ma place est occupée, et je ne suis plus rien.c. Ils ne nous ont pas vu l'un et l'autre élever,
Moi pour vous obéir, et vous pour me braverd. Du moins si je ne sais le secret de lui plaire,
Je sais l'art de punir un rival téméraire.e. Ma fuite arrêtera vos discordes fatales,
Seigneur, j'irai remplir le nombre des Vestales.
1. Remettez ces étapes de l'acte III dans l'ordre.
a) Agrippine se lamente : elle sent qu'elle perd son pouvoir sur Néron.
b) Agrippine reproche à Burrhus de laisser faire Néron et menace de rétablir Britannicus sur le trône.
c) Britannicus reproche à Junie sa trahison ; elle lui apprend que Néron les surveillait.
d) Burrhus met Néron en garde contre sa mère, en colère, et essaie de le détourner de son amour pour Junie.
e) Burrhus sent que Néron échappe à son autorité et ne sait pas où trouver un appui.
f) Narcisse a convaincu Britannicus que Junie est ingrate et ne l'aime plus.
g) Une longue dispute a lieu entre Néron et Britannicus.
2. Pour quelles raisons, selon vous, cet acte est-il l'acte central de la pièce ?
BRITANNICUS
Et l'aspect de ces lieux où vous la retenez
N'a rien dont mes regards doivent être étonnés.
NÉRON
Et que vous montrent-ils qui ne vous avertisse
Qu'il faut qu'on me respecte et que l'on m'obéisse ?
BRITANNICUS
Ils ne nous ont pas vu l'un et l'autre élever,
Moi pour vous obéir, et vous pour me braver ;
Et ne s'attendaient pas, lorsqu'ils nous virent naître,
Qu'un jour Domitius me dût parler en maître.
NÉRON
Ainsi par le destin nos vœux sont traversés ;
J'obéissais alors, et vous obéissez.
Si vous n'avez appris à vous laisser conduire,
Vous êtes jeune encore, et l'on peut vous instruire.
BRITANNICUS
Et qui m'en instruira ?
NÉRON
Tout l'empire à la fois,
Rome.
BRITANNICUS
Rome met-elle au nombre de vos droits
Tout ce qu'a de cruel l'injustice et la force,
Les emprisonnements, le rapt et le divorce ?
NÉRON
Rome ne porte point ses regards curieux
Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux.
Imitez son respect.
BRITANNICUS
On sait ce qu'elle en pense.
NÉRON
Elle se tait du moins : imitez son silence.
BRITANNICUS
Ainsi Néron commence à ne se plus forcer.
NÉRON
Néron de vos discours commence à se lasser.
BRITANNICUS
Chacun devait bénir le bonheur de son règne.
NÉRON
Heureux ou malheureux, il suffit qu'on me craigne.
BRITANNICUS
Je connais mal Junie, ou de tels sentiments
Ne mériteront pas ses applaudissements.
NÉRON
Du moins, si je ne sais le secret de lui plaire,
Je sais l'art de punir un rival téméraire.
Jean Racine, Britannicus, III, 8, 1669.
Illustrez la scène qui est décrite dans la tirade que vous avez choisie.
1. Apprenez, par coeur, l'un de ces passages.
2. Quelle est, selon vous, la morale de cette pièce ?
3. Dans quelle mesure, selon vous, la tragédie de Racine nous montre-t-elle la naissance d'un monstre ?
Burrhus
Ce dessein s'est conduit avec plus de mystère.
À peine l'empereur a vu venir son frère,
Il se lève, il l'embrasse, on se tait, et soudain
César prend le premier une coupe à la main.
"Pour achever ce jour sous de meilleurs auspices,
Ma main de cette coupe épanche les prémices,
Dit-il ; dieux, que j'appelle à cette effusion,
Venez favoriser notre réunion."
Par les mêmes serments Britannicus se lie.
La coupe dans ses mains par Narcisse est remplie.
Mais ses lèvres à peine en ont touché les bords,
Le fer ne produit point de si puissants efforts.
Madame la lumière à ses yeux est ravie,
Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie.
Jugez combien ce coup frappe tous les esprits.
La moitié s'épouvante et sort avec des cris.
Mais ceux qui de la cour ont un plus long usage
Sur les yeux de César composent leur visage.
Cependant sur son lit il demeure penché,
D'aucun étonnement il ne paraît touché.
Jean Racine, Britannicus, V, 5, 1669.
Albine
Des portes du palais elle sort éperdue.
D'abord elle a d'Auguste aperçu la statue ;
Et mouillant de ses pleurs le marbre de ses pieds
Que de ses bras pressants elle tenait liés :
"Prince, par ces genoux, dit-elle, que j'embrasse :
Protège en ce moment le reste de ta race.
Rome dans ton palais vient de voir immoler
Le seul de tes neveux, qui te pût ressembler,
On veut après sa mort que je lui sois parjure.
Mais pour lui conserver une foi toujours pure,
Prince, je me dévoue à ces dieux immortels,
Dont ta vertu t'a fait partager les autels."
Le peuple cependant que ce spectacle étonne,
Vole de toutes parts, se presse, l'environne,
S'attendrit à ses pleurs, et plaignant son ennui
D'une commune voix la prend sous son appui.
Ils la mènent au temple, où depuis tant d'années
Au culte des autels nos vierges destinées
Gardent fidèlement le dépôt précieux
Du feu toujours ardent qui brûle pour nos dieux.
Jean Racine, Britannicus, V, 8, 1669.
Albine
Le peuple cependant que ce spectacle étonne,
Vole de toutes parts, se presse, l'environne,
S'attendrit à ses pleurs, et plaignant son ennui
D'une commune voix la prend sous son appui. [...]
César les voit partir sans oser les distraire.
Narcisse plus hardi s'empresse pour lui plaire.
Il vole vers Junie, et sans s'épouvanter,
D'une profane main commence à l'arrêter.
De mille coups mortels son audace est punie.
Son infidèle sang rejaillit sur Junie.
César de tant d'objets en même temps frappé
Le laisse entre les mains qui l'ont enveloppé.
Il rentre. Chacun fuit son silence farouche.
Le seul nom de Junie échappe de sa bouche.
Il marche sans dessein, ses yeux mal assurés
N'osent lever au ciel leurs regards égarés.
Et l'on craint, si la nuit jointe à la solitude
Vient de son désespoir aigrir l'inquiétude,
Si vous l'abandonnez plus longtemps sans secours,
Que sa douleur bientôt n'attente sur ses jours.
Jean Racine, Britannicus, V, 8, 1669.