Les Fleurs du mal

Objet d'étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle

Problématique générale : Les Fleurs du Mal, recueil lyrique ou journal d'un condamné ?

Support : Les Fleurs du mal, coll. Livre de Poche, première édition 1857.

Séance 01

Les Fleurs du Mal

Comment comprenez-vous le titre Les Fleurs du Mal ?

Observation

Comparez les différentes couvertures. Quels aspects du recueil mettent-elles en valeur ?

Pistes

Séance 02

Choix de poèmes

Oral

1. Apprenez puis récitez l'un des poèmes ci-contre.

2. Quelles formes, quelles thématiques, quels procédés remarquez-vous ?

II. L'ALBATROS

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.


À peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !


Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.


XXII. PARFUM EXOTIQUE

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,

Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,

Je vois se dérouler des rivages heureux

Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;


Une île paresseuse où la nature donne

Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;

Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,

Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.


Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

Je vois un port rempli de voiles et de mâts

Encor tout fatigués par la vague marine,


Pendant que le parfum des verts tamariniers,

Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,

Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.


XXXVI. LE BALCON

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,

Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !

Tu te rappelleras la beauté des caresses,

La douceur du foyer et le charme des soirs,

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !


Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,

Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.

Que ton sein m'était doux ! que ton cœur m'était bon !

Nous avons dit souvent d'impérissables choses

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.


Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !

Que l'espace est profond ! que le cœur est puissant !

En me penchant vers toi, reine des adorées,

Je croyais respirer le parfum de ton sang.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !


LXXII. LE MORT JOYEUX

Dans une terre grasse et pleine d'escargots

Je veux creuser moi-même une fosse profonde,

Où je puisse à loisir étaler mes vieux os

Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.


Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;

Plutôt que d'implorer une larme du monde,

Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux

À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.


Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,

Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;

Philosophes viveurs, fils de la pourriture,


À travers ma ruine allez donc sans remords,

Et dites-moi s'il est encor quelque torture

Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !


LXXIV. LA CLOCHE FÊLÉE

Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,

D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,

Les souvenirs lointains lentement s'élever

Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.


Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux

Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,

Jette fidèlement son cri religieux,

Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente !


Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis

Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,

Il arrive souvent que sa voix affaiblie


Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie

Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts,

Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.


LXXXIX. LE CYGNE

À VICTOR HUGO

Là s'étalait jadis une ménagerie ;

Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux

Froids et clairs le Travail s'éveille, où la voirie

Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,


Un cygne qui s'était évadé de sa cage,

Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,

Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.

Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec


Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,

Et disait, le cœur plein de son beau lac natal :

"Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? »

Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,


Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,

Vers le ciel ironique et cruellement bleu,

Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,

Comme s'il adressait des reproches à Dieu !

XCIII. À UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;


Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.


Un éclair… puis la nuit ! — Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?


Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Séance 03

Une charogne

Oral

1. Découpez suivant les pointillés et remettez le poème dans l'ordre.

2. Dans un projet d'épilogue pour Les Fleurs du Mal, Baudelaire se compare à un alchimiste et déclare : "Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or" (Charles Baudelaire, Ébauche d'un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal, 1861).

Comment ce poème met-il en oeuvre ce projet de faire de l'or avec de la boue ?

Explication

Expliquez ce poème, des strophes 4 à 10, en répondant aux questions suivantes :

1. Comment le poème décrit-il la carcasse ? (strophes 4 et 5)

2. En quoi la transforme-t-il ? (strophes 6 à 8)

3. Pourquoi cette morale affreuse ? (strophes 9 à 10)

Pistes

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un œil fâché,

Épiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.


- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

À cette horrible infection,

Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion !


Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rhythmique

Agite et tourne dans son van.


Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.


Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.


Tout cela descendait, montait comme une vague,

Ou s'élançait en petillant ;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.


Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux :

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,


Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.


Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,

Après les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.


Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés !


Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;


Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.


Charles Baudelaire, "Une charogne", in Les Fleurs du Mal, "Spleen et Idéal", 1857.

Explication

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.


Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.


Tout cela descendait, montait comme une vague,

Ou s'élançait en petillant ;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.


Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rhythmique

Agite et tourne dans son van.


Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.


Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un œil fâché,

Épiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.


- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

À cette horrible infection,

Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion !

Charles Baudelaire, "Une charogne", in Les Fleurs du Mal, "Spleen et Idéal", 1857.

Atelier

À une passante

Oral

Expliquez comment ce poème est organisé.

Recherche

Commentez le texte ci-contre en vous appuyant sur les axes suivants :

- une scène de la vie urbaine ;

- le point de vue du poète.

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;


Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.


Un éclair... puis la nuit ! — Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?


Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Charles Baudelaire, "À une passante", in "Tableaux parisiens", Les Fleurs du Mal, 2e édition, 1861.

Séance 04

L'Invitation au voyage

Oral

Préparez une lecture orale de ce texte.

Pistes

Mon enfant, ma sœur,

Songe à la douceur

D'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les charmes

Si mystérieux

De tes traîtres yeux,

Brillant à travers leurs larmes.


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.


Des meubles luisants,

Polis par les ans,

Décoreraient notre chambre ;

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l'ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

Tout y parlerait

À l'âme en secret

Sa douce langue natale.


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.


Vois sur ces canaux

Dormir ces vaisseaux

Dont l'humeur est vagabonde ;

C'est pour assouvir

Ton moindre désir

Qu'ils viennent du bout du monde.

- Les soleils couchants

Revêtent les champs,

Les canaux, la ville entière,

D'hyacinthe et d'or ;

Le monde s'endort

Dans une chaude lumière.


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire, "L'Invitation au voyage", in Les Fleurs du Mal, "Spleen et Idéal", 1857

Séance 05

À travers le recueil

Recherche

Soit les six thèmes suivants. Choisissez-en un.

La femme

"Avec ses vêtements ondoyants et nacrés... », Le Serpent qui danse, Le Beau Navire

Le rêve

La Vie antérieure, L'Invitation au voyage, Parfum exotique

Le spleen*

Spleen LXXVI, LXXVII et LXXVIII

(* Spleen : une forme de dégoût de toutes choses)

La ville

Le Cygne, À une passante, Le Crépuscule du soir

Le temps

Remords posthume, L'ennemi, L'Horloge

Le sang

La cloche fêlée, Une martyre, La Fontaine de sang

Pour le thème choisi, faites une brève phrase d'introduction (pourquoi ce thème ?), présentez chacun des textes (situez le poème, faites un bref résumé, citez un ou deux vers...), puis proposez une synthèse (comment Baudelaire traite-t-il ce thème dans ses poèmes ?).

Pistes

Séance 06

Appropriation

Écriture

Dans votre journal de lecteur, au choix :

- Vous recopierez le poème que vous avez préféré et l'illustrerez d'une image.

- Vous recopierez plusieurs vers qui vous ont paru intéressants/touchants et vous les illustrerez d'images.

Toutes les formes d'illustration sont possibles : photographie, collage, dessin, figuratif ou non. Attention, si vous choisissez la photographie, à bien respecter la réglementation.