Objet d'étude : Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIème siècle à nos jours
Problématique générale : Le théâtre, simple divertissement ou réflexion de la réalité ?
Support : Corneille, L'Illusion comique, coll. Livre de Poche, éd. LGF (texte conforme à l'édition de 1639).
Choix de mises en scène :
- Marion Bierry au théâtre de Poche Montparnasse à Paris en 2006 ;
- Matthieu Amalric, L'Illusion comique, La Comédie Française et France Télévision, 2010.
- Éric Vigner au théâtre de Lorient en 2015.
Que représente ce tableau ?
En peinture, le genre des Vanités est, pendant la première moitié du XVIIe s., un lieu commun. Le mot "vanité" est à prendre au sens de "apparence sans réalité, illusion." La banière indique : "Aeterne pungit, cito volat et occidit" : "Il pique sans cesse, vole rapidement et tue."
A. de Pereda, Le Rêve du chevalier, 1655, 152x217cm.
En vous appuyant sur L'Examen qui précède le texte de la pièce, et votre lecture de la pièce, complétez le tableau ci-contre.
I | II | III | IV | V | |
Action et personnages représentés | |||||
Lieu et moment | |||||
Dramaturge(s) : celui (ceux) qui fait (font) mouvoir les personnages sur scène | |||||
Spectateur(s) | |||||
Genre |
Après avoir lu la première scène de la pièce, proposez :
- une scénographie
- des costumes
Proposez une lecture analytique de cet extrait.
Dorante
Ce mage qui d'un mot renverse la nature
N'a choisi pour palais que cette grotte obscure.
La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour
N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,
De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombres
Que ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres.
N'avancez pas : son art au pied de ce rocher
A mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;
Et cette large bouche est un mur invisible,
Où l'air en sa faveur devient inaccessible,
Et lui fait un rempart, dont les funestes bords
Sur un peu de poussière étalent mille morts.
Jaloux de son repos plus que de sa défense,
Il perd qui l'importune, ainsi que qui l'offense ;
Malgré l'empressement d'un curieux désir,
Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :
Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heure
Où, pour se divertir, il sort de sa demeure.
Pridamant
J'en attends peu de chose, et brûle de le voir.
J'ai de l'impatience, et je manque d'espoir.
Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes,
Qu'ont éloigné de moi des traitements trop rudes,
Et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux,
A caché pour jamais sa présence à mes yeux.
Sous ombre qu'il prenait un peu trop de licence,
Contre ses libertés je roidis ma puissance ;
Je croyais le dompter à force de punir,
Et ma sévérité ne fit que le bannir.
Mon âme vit l'erreur dont elle était séduite :
Je l'outrageais présent, et je pleurai sa fuite ;
Et l'amour paternel me fit bientôt sentir
D'une injuste rigueur un juste repentir.
Il l'a fallu chercher : j'ai vu dans mon voyage
Le Pô, le Rhin, la Meuse, et la Seine, et le Tage :
Toujours le même soin travaille mes esprits ;
Et ces longues erreurs ne m'en ont rien appris.
Enfin, au désespoir de perdre tant de peine,
Et n'attendant plus rien de la prudence humaine,
Pour trouver quelque borne à tant de maux soufferts,
J'ai déjà sur ce point consulté les enfers ;
J'ai vu les plus fameux en la haute science
Dont vous dites qu'Alcandre a tant d'expérience :
On m'en faisait l'état que vous faites de lui,
Et pas un d'eux n'a pu soulager mon ennui.
L'enfer devient muet quand il me faut répondre,
Ou ne me répond rien qu'afin de me confondre.
Dorante
Ne traitez pas Alcandre en homme du commun,
Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas un.
Je ne vous dirai point qu'il commande au tonnerre,
Qu'il fait enfler les mers, qu'il fait trembler la terre ;
Que de l'air, qu'il mutine en mille tourbillons,
Contre ses ennemis il fait des bataillons ;
Que de ses mots savants les forces inconnues
Transportent les rochers, font descendre les nues,
Et briller dans la nuit l'éclat de deux soleils ;
Vous n'avez pas besoin de miracles pareils :
Il suffira pour vous qu'il lit dans les pensées,
Qu'il connaît l'avenir et les choses passées ;
Rien n'est secret pour lui dans tout cet univers,
Et pour lui nos destins sont des livres ouverts.
Moi-même, ainsi que vous, je ne pouvais le croire :
Mais sitôt qu'il me vit, il me dit mon histoire ;
Et je fus étonné d'entendre le discours
Des traits les plus cachés de toutes mes amours.
Pridamant
Vous m'en dites beaucoup.
Dorante
J'en ai vu davantage.
Pridamant
Vous essayez en vain de me donner courage ;
Mes soins et mes travaux verront, sans aucun fruit,
Clore mes tristes jours d'une éternelle nuit.
Dorante
Depuis que j'ai quitté le séjour de Bretagne
Pour venir faire ici le noble de campagne,
Et que deux ans d'amour, par une heureuse fin,
M'ont acquis Sylvérie et ce château voisin,
De pas un, que je sache, il n'a déçu l'attente :
Quiconque le consulte en sort l'âme contente.
Croyez-moi, son secours n'est pas à négliger :
D'ailleurs, il est ravi quand il peut m'obliger ;
Et j'ose me vanter qu'un peu de mes prières
Vous obtiendra de lui des faveurs singulières.
Pridamant
Le sort m'est trop cruel pour devenir si doux.
Dorante
Espérez mieux : il sort, et s'avance vers nous.
Regardez-le marcher ; ce visage si grave,
Dont le rare savoir tient la nature esclave,
N'a sauvé toutefois des ravages du temps
Qu'un peu d'os et de nerfs qu'ont décharnés cent ans,
Son corps, malgré son âge, a les forces robustes,
Le mouvement facile, et les démarches justes :
Des ressorts inconnus agitent le vieillard,
Et font de tous ses pas des miracles de l'art.
Pierre Corneille, L'Illusion comique, I, 1, 1636.
Faites une proposition dessinée de costume pour le Matamore.
Commentez le texte ci-contre.
1. Quelle influence le personnage de Matamore a-t-il sur l'action dans les actes II, III et IV ?
2. Quel est, selon vous, l'intérêt de ce personnage dans la pièce ?
Clindor
Quoi ! monsieur, vous rêvez ! et cette âme hautaine,
Après tant de beaux faits, semble être encore en peine !
N'êtes-vous point lassé d'abattre des guerriers ?
Et vous faut-il encor quelques nouveaux lauriers ?
Matamore
Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre
Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre,
Du grand sophi de Perse, ou bien du grand mogor.
Clindor
Eh ! de grâce, monsieur, laissez-les vivre encor.
Qu'ajouterait leur perte à votre renommée ?
D'ailleurs, quand auriez-vous rassemblé votre armée ?
Matamore
Mon armée ? Ah, poltron ! ah, traître ! pour leur mort
Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort ?
Le seul bruit de mon nom renverse les murailles,
Défait les escadrons, et gagne les batailles.
Mon courage invaincu contre les empereurs
N'arme que la moitié de ses moindres fureurs ;
D'un seul commandement que je fais aux trois Parques,
Je dépeuple l'État des plus heureux monarques ;
Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats :
Je couche d'un revers mille ennemis à bas.
D'un souffle je réduis leurs projets en fumée ;
Et tu m'oses parler cependant d'une armée !
Tu n'auras plus l'honneur de voir un second Mars ;
Je vais t'assassiner d'un seul de mes regards,
Veillaque : toutefois, je songe à ma maîtresse ;
Ce penser m'adoucit. Va, ma colère cesse,
Et ce petit archer qui dompte tous les dieux
Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux.
Regarde, j'ai quitté cette effroyable mine
Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ;
Et pensant au bel œil qui tient ma liberté,
Je ne suis plus qu'amour, que grâce, que beauté.
Clindor
O dieux ! en un moment que tout vous est possible !
Je vous vois aussi beau que vous étiez terrible,
Et ne crois point d'objet si ferme en sa rigueur,
Qu'il puisse constamment vous refuser son cœur.
Pierre Corneille, L'Illusion comique, 2, II (v. 221-256).
"Le style semble assez proportionné aux matières, si ce n'est que Lyse, en la sixième scène du troisième acte, semble s'élever un peu trop au-dessus du caractère de servante."
Corneille, Examen de L'Illusion comique, 1636.
Commentez le monologue de Lyse (III, 6, v. 815 à 852).
Lyse
L'ingrat ! il trouve enfin mon visage charmant,
Et pour me suborner il contrefait l'amant :
Qui hait ma sainte ardeur m'aime dans l'infamie,
Me dédaigne pour femme, et me veut pour amie !
Perfide, qu'as-tu vu dedans mes actions
Qui te dût enhardir a ces prétentions ?
Qui t'a fait m'estimer digne d'être abusée,
Et juger mon honneur une conquête aisée ?
J'ai tout pris en riant, mais c'était seulement
Pour ne t'avertir pas de mon ressentiment,
Qu'eût produit son éclat que de la défiance ?
Qui cache sa colère, assure sa vengeance,
Et ma feinte douceur, te laissant espérer,
Te jette dans les rets que j'ai su préparer,
Va, traître ; aime en tous lieux, et partage ton âme,
Choisis qui tu voudras pour maîtresse et pour femme,
Donne à l'une ton coeur ; donne à l'autre ta foi,
Mais ne crois plus tromper Isabelle, ni moi.
Ce long calme bientôt va tourner en tempête,
Et l'orage est tout prêt à fondre sur ta tête,
Surpris par un rival dans ce cher entretien,
Il vengera d'un coup son malheur et le mien.
Toutefois qu'as-tu fait qui t'en rende coupable ?
Pour chercher sa fortune est-on si punissable ?
Tu m'aimes mais le bien te fait être inconstant,
Au siècle où nous vivons qui n'en ferait autant ?
Oublions les projets de sa flamme maudite,
Et laissons-le jouir du bonheur qu'il mérite.
Que de pensers divers en mon coeur amoureux !
Et que je sens dans l'âme un combat rigoureux !
Perdre qui me chérit ! Épargner qui m'affronte !
Ruiner ce que j'aime ! aimer qui veut ma honte !
L'amour produira-t-il un si cruel effet ?
L'impudent rira-t-il de l'affront qu'il m'a fait ?
Mon amour me séduit, et ma haine m'emporte,
L'une peut tout sur moi, l'autre n'est pas moins forte,
N'écoutons plus l'amour pour un tel suborneur,
Et laissons à la haine assurer mon honneur.
Pierre Corneille, L'Illusion comique, III, 6.
1. Remettez en ordre le monologue.
2. Comment ce monologue progresse-t-il ? Distinguez les différentes parties et expliquez leur enchaînement.
Clindor est l'amant d'Isabelle. Son rival, Adraste, jaloux, le provoque en duel et meurt dans le combat : Clindor est arrêté et attend en prison son éxécution.
Clindor, en prison
Aimables souvenirs de mes chères délices,
Qu'on va bientôt changer en d'infâmes supplices,
Que, malgré les horreurs de ce mortel effroi,
Vos charmants entretiens ont de douceurs pour moi !
Ne m'abandonnez point, soyez-moi plus fidèles
Que les rigueurs du sort ne se montrent cruelles ;
Et lorsque du trépas les plus noires couleurs
Viendront à mon esprit figurer mes malheurs,
Figurez aussitôt à mon âme interdite
Combien je fus heureux par delà mon mérite
Lorsque je me plaindrai de leur sévérité,
Redites-moi l'excès de ma témérité ;
Que d'un si haut dessein ma fortune incapable
Rendait ma flamme injuste, et mon espoir coupable ;
Que je fus criminel quand je devins amant,
Et que ma mort en est le juste châtiment.
Quel bonheur m'accompagne à la fin de ma vie !
Isabelle, je meurs pour vous avoir servie ;
Et de quelque tranchant que je souffre les coups,
Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous.
Hélas ! que je me flatte, et que j'ai d'artifice
À me dissimuler la honte d'un supplice !
En est-il de plus grand que de quitter ces yeux
Dont le fatal amour me rend si glorieux ?
L'ombre d'un meurtrier creuse ici ma ruine ;
Il succomba vivant, et mort, il m'assassine ;
Son nom fait contre moi ce que n'a pu son bras ;
Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ;
Et je vois de son sang, fécond en perfidies,
S'élever contre moi des âmes plus hardies,
De qui les passions, s'armant d'autorité,
Font un meurtre public avec impunité.
Demain de mon courage on doit faire un grand crime,
Donner au déloyal ma tête pour victime ;
Et tous pour le pays prennent tant d'intérêt,
Qu'il ne m'est pas permis de douter de l'arrêt.
Ainsi de tous côtés ma perte était certaine.
J'ai repoussé la mort, je la reçois pour peine.
D'un péril évité je tombe en un nouveau,
Et des mains d'un rival en celles d'un bourreau.
Je frémis à penser à ma triste aventure ;
Dans le sein du repos je suis à la torture ;
Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil,
Je vois de mon trépas le honteux appareil ;
J'en ai devant les yeux les funestes ministres ;
On me lit du sénat les mandements sinistres ;
Je sors les fers aux pieds ; j'entends déjà le bruit
De l'amas insolent d'un peuple qui me suit ;
Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare :
Là mon esprit se trouble, et ma raison s'égare ;
Je ne découvre rien qui m'ose secourir,
Et la peur de la mort me fait déjà mourir.
Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme,
Dissipes ces terreurs et rassures mon âme ;
Et sitôt que je pense à tes divins attraits,
Je vois évanouir ces infâmes portraits.
Quelques rudes assauts que le malheur me livre,
Garde mon souvenir, et je croirai revivre.
Mais d'où vient que de nuit on ouvre ma prison ?
Ami, que viens-tu faire ici hors de saison ?
P. Corneille, L'Illusion comique, IV, 7, 1639.
1. Commentez les oppositions à l'oeuvre dans ces quatre scénographies.
2. Comment ces quatre scénographies représentent-elles l'illusion théâtrale ?
![]() L'Illusion comique, mise en scène de L. Jouvet à la Comédie-Française à Paris en 1937. |
![]() L'Illusion comique, mise en scène de J.-M. Villegier au théâtre de l'Athénée à Paris en 1997. |
![]() L'Illusion comique, mise en scène de B. Jacques-Wajeman au théâtre de Genève en 2005. |
![]() L'Illusion comique, mise en scène de M. Bierry au théâtre de Poche Montparnasse à Paris en 2006. |
À la fin de la représentation d'Honneur à notre élue (présentation de Bélier-Garcia, interview d'Isabelle Carré) un échange a lieu entre l'équipe et le public, en majorité scolaire.
Après le salut de l'équipe, et lors des premières questions, l'un des jeunes spectateurs s'exclame : "On n'a rien compris !"
C'est votre jour de chance ! Vous serez Isabelle Carré, l'actrice principaleVous aimez le mystère de votre personnage et la fascination qu'elle exerce sur sa ville. |
C'est votre jour de chance ! Vous serez Frédéric Bélier-Garcia, le metteur en scèneVous aimez l'actualité et le mystère du texte de l'auteur, Marie NDiaye. |
C'est votre jour de chance ! Vous serez Chantal Thomas, la scénographeVous avez à coeur de mieux expliquer l'importance de votre profession, qui contribue à faire d'un texte un véritable spectacle. |
Coach de l'acteurVous aidez l'acteur à se préparer : argumentaire, réaction face au public, caractère, etc. |
Coach du metteur en scèneVous aidez le metteur en scène à se préparer : argumentaire, réaction face au public, caractère, etc. |
Coach du scénographeVous aidez le scénographe à se préparer : argumentaire, réaction face au public, caractère, etc. |
C'est votre jour de chance ! Vous serez Un premier élève parmi le publicVous avez assisté à la représentation de la pièce, mais vous n'avez pas du tout compris le personnage joué par l'acteur, ni les choix de l'acteur pour incarner le personnage. |
C'est votre jour de chance ! Vous serez Un deuxième élève parmi le publicVous avez assisté à la représentation de la pièce, mais vous n'avez pas du tout compris l'histoire, ni les choix de mise en scène. |
C'est votre jour de chance ! Vous serez Un troisième élève parmi le publicVous avez assisté à la représentation de la pièce, mais vous n'avez pas du tout compris le choix des décors et la scénographie. |
ObservateurVous êtes attentif à la façon dont l'acteur argumente : comment il prend la parole, comment il réagit aux critiques... Est-ce qu'il est convaincant ? |
ObservateurVous êtes attentif à la façon dont le metteur en scène argumente : comment il prend la parole, comment il réagit aux critiques... Est-ce qu'il est convaincant ? |
ObservateurVous êtes attentif à la façon dont le scénographe argumente : comment il prend la parole, comment il réagit aux critiques... Est-ce qu'il est convaincant ? |
SecrétaireVous notez les arguments et les exemples utilisés par l'acteur. |
SecrétaireVous notez les arguments et les exemples utilisés par le metteur en scène. |
SecrétaireVous notez les arguments et les exemples utilisés par le scénographe. |
Les observateurs commentent le jeu des acteurs et évaluent l'efficacité argumentative de chacun.
Les secrétaires rappellent l'argumentaire utilisé par chacun des personnages. Les autres élèves prennent en note.
Au choix :
1. Un lycéen raconte sa rencontre dans un article publié dans le journal du lycée.
2. Écrivez une courte pièce en prenant pour modèle cet échange.
1. Lisez les phrases proposées en variant le débit, le volume et/ou l'intonation.
2. À deux, préparez une lecture orale des dialogues proposées ; vous veillerez à faire une voix très nettement identifiable pour chaque personnage.
3. Préparez une lecture orale des tirades et des monologues ci-contre en travaillant l'expressivité : un sentiment doit être nettement reconnaissable.
Alcandre
Votre fils tout d'un coup ne fut pas grand seigneur ;
Toutes ses actions ne vous font pas honneur,
Et je serais marri d'exposer sa misère
En spectacle à des yeux autres que ceux d'un père.
I, 3
Matamore
Les voilà, sauvons-nous. Non, je ne vois personne.
Avançons hardiment. Tout le corps me frissonne.
Je les entends, fuyons. Le vent faisait ce bruit.
Marchons sous la faveur des ombres de la nuit.
III, 7
Clindor
Ainsi de tous côtés ma perte était certaine.
J'ai repoussé la mort, je la reçois pour peine.
D'un péril évité je tombe en un nouveau,
Et des mains d'un rival en celles d'un bourreau.
IV, 7
Isabelle
Achevez, assassins, de m'arracher la vie.
Cher époux, en mes bras on te l'a donc ravie ! [...]
O clarté trop fidèle, hélas ! et trop tardive,
Qui ne fait voir le mal qu'au moment qu'il arrive !
V, 4
Clindor
Quoi ! monsieur, vous rêvez ! et cette âme hautaine,
Après tant de beaux faits, semble être encore en peine !
N'êtes-vous point lassé d'abattre des guerriers ?
Et vous faut-il encor quelques nouveaux lauriers ?
Matamore
Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre
Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre,
Du grand sophi de Perse, ou bien du grand mogor.
Clindor
Eh ! de grâce, monsieur, laissez-les vivre encor.
Qu'ajouterait leur perte à votre renommée ?
D'ailleurs, quand auriez-vous rassemblé votre armée ?
Matamore
Mon armée ? Ah, poltron ! ah, traître ! pour leur mort
Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort ?
II, 1
Clindor
Qui serait le brutal qui ne t'aimerait pas ?
Lyse
De grâce, et depuis quand me trouvez-vous si belle ?
Voyez bien, je suis Lyse, et non pas Isabelle.
Clindor
Vous partagez vous deux mes inclinations :
J'adore sa fortune, et tes perfections.
Lyse
Vous en embrassez trop, c'est assez pour vous d'une,
Et mes perfections cèdent à sa fortune.
Clindor
Quelque effort que je fasse à lui donner ma foi,
Penses-tu qu'en effet je l'aime plus que toi ?
III, 5
Le Geôlier
Les juges assemblés pour punir votre audace,
Mus de compassion, enfin vous ont fait grâce.
Clindor
M'ont fait grâce, bons dieux !
Le Geôlier
Oui, vous mourrez de nuit.
Clindor
De leur compassion est-ce là tout le fruit ?
Le Geôlier
Que de cette faveur, vous tenez peu de compte !
D'un supplice public c'est vous sauver la honte.
Clindor
Quels encens puis-je offrir aux maîtres de mon sort,
Dont l'arrêt me fait grâce, et m'envoie à la mort ?
IV, 8
Alcandre
Laissez faire aux douleurs qui rongent vos entrailles,
Et pour les redoubler voyez ses funérailles.
Pridamant
Que vois-je ? chez les morts compte-t-on de l'argent ?
Alcandre
Voyez si pas un d'eux s'y montre négligent.
Pridamant
Je vois Clindor ! ah dieux ! quelle étrange surprise !
Je vois ses assassins, je vois sa femme et Lyse !
Quel charme en un moment étouffe leurs discords,
Pour assembler ainsi les vivants et les morts ?
Alcandre
Ainsi tous les acteurs d'une troupe comique,
Leur poème récité, partagent leur pratique :
V, 5
Matamore
Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats :
Je couche d'un revers mille ennemis à bas.
D'un souffle je réduis leurs projets en fumée ;
Et tu m'oses parler cependant d'une armée !
Tu n'auras plus l'honneur de voir un second Mars ;
Je vais t'assassiner d'un seul de mes regards,
Veillaque : toutefois, je songe à ma maîtresse ;
Ce penser m'adoucit. Va, ma colère cesse,
Et ce petit archer qui dompte tous les dieux
Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux.
Regarde, j'ai quitté cette effroyable mine
Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ;
Et pensant au bel œil qui tient ma liberté,
Je ne suis plus qu'amour, que grâce, que beauté.
II, 2
Lyse
Aime en tous lieux, perfide, et partage ton âme ;
Choisis qui tu voudras pour maîtresse ou pour femme
Donne à tes intérêts à ménager tes vœux ;
Mais ne crois plus tromper aucune de nous deux.
Isabelle vaut mieux qu'un amour politique,
Et je vaux mieux qu'un cœur où cet amour s'applique.
J'ai raillé comme toi, mais c'était seulement
Pour ne t'avertir pas de mon ressentiment. [...]
Toutefois qu'as-tu fait qui te rende coupable ?
Pour chercher sa fortune est-on si punissable ?
Tu m'aimes, mais le bien te fait être inconstant :
Au siècle où nous vivons, qui n'en ferait autant ?
III, 6
Clindor
Je frémis à penser à ma triste aventure ;
Dans le sein du repos je suis à la torture ;
Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil,
Je vois de mon trépas le honteux appareil ; [...]
Je sors les fers aux pieds ; j'entends déjà le bruit
De l'amas insolent d'un peuple qui me suit ;
Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare :
Là mon esprit se trouble, et ma raison s'égare ;
Je ne découvre rien qui m'ose secourir,
Et la peur de la mort me fait déjà mourir.
Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme,
Dissipes ces terreurs et rassures mon âme ;
Et sitôt que je pense à tes divins attraits,
Je vois évanouir ces infâmes portraits.
IV, 7