Documentez-vous sur le personnage d'Arlequin et les comédiens italiens.
Indiquez aux acteurs comment jouer cette scène, et pourquoi la jouer ainsi.
1. Qu'est-ce qui fait le comique de cette scène ?
2. Comment cette scène nous suggère-t-elle que les apparences sont trompeuses ?
Arlequin.
Madame, il dit que je ne m'impatiente pas ; il en parle bien à son aise, le bonhomme !
Lisette.
J'ai de la peine à croire qu'il vous en coûte tant d'attendre, monsieur ; c'est par galanterie que vous faites l'impatient ; à peine êtes-vous arrivé ! Votre amour ne saurait être bien fort ; ce n'est tout au plus qu'un amour naissant.
Arlequin.
Vous vous trompez, prodige de nos jours ; un amour de votre façon ne reste pas longtemps au berceau ; votre premier coup d'œil a fait naître le mien, le second lui a donné des forces et le troisième l'a rendu grand garçon ; tâchons de l'établir au plus vite ; ayez soin de lui, puisque vous êtes sa mère.
Lisette.
Trouvez-vous qu'on le maltraite ? Est-il si abandonné ?
Arlequin.
En attendant qu'il soit pourvu, donnez-lui seulement votre belle main blanche, pour l'amuser un peu.
Lisette.
Tenez donc, petit importun, puisqu'on ne saurait avoir la paix qu'en vous amusant.
Arlequin, en lui baisant la main.
Cher joujou de mon âme ! cela me réjouit comme du vin délicieux. Quel dommage de n'en avoir que roquille !
Lisette.
Allons, arrêtez-vous ; vous êtes trop avide.
Arlequin.
Je ne demande qu'à me soutenir, en attendant que je vive.
Lisette.
Ne faut-il pas avoir de la raison ?
Arlequin.
De la raison ! hélas, je l'ai perdue ; vos beaux yeux sont les filous qui me l'ont volée.
Lisette.
Mais est-il possible, que vous m'aimiez tant ? je ne saurais me le persuader.
Arlequin.
Je ne me soucie pas de ce qui est possible, moi ; mais je vous aime comme un perdu, et vous verrez bien dans votre miroir que cela est juste.
Lisette.
Mon miroir ne servirait qu'à me rendre plus incrédule.
Arlequin.
Ah ! mignonne, adorable ! votre humilité ne serait donc qu'une hypocrite !
Lisette.
Quelqu'un vient à nous ; c'est votre valet.
Marivaux, Le jeu de l'Amour et du Hasard, II, 3, 1730.
Quels sont tous les sens du mot "jeu" ?
Britannicus.
Parlez : nous sommes seuls. Notre ennemi, trompé,
Tandis que je vous parle, est ailleurs occupé.
Ménageons les moments de cette heureuse absence.
Junie.
Vous êtes en des lieux tout pleins de sa puissance :
Ces murs mêmes, seigneur, peuvent avoir des yeux ;
Et jamais l’empereur n’est absent de ces lieux.
Britannicus.
Et depuis quand, madame, êtes-vous si craintive ?
Quoi ! déjà votre amour souffre qu’on le captive ?
Qu’est devenu ce cœur qui me jurait toujours
De faire à Néron même envier nos amours ?
Mais bannissez, madame, une inutile crainte :
La foi dans tous les cœurs n’est pas encore éteinte ;
Chacun semble des yeux approuver mon courroux ;
La mère de Néron se déclare pour nous.
Rome, de sa conduite elle-même offensée…
Junie.
Ah ! seigneur ! vous parlez contre votre pensée.
Vous-même vous m’avez avoué mille fois
Que Rome le louait d’une commune voix ;
Toujours à sa vertu vous rendiez quelque hommage ;
Sans doute la douleur vous dicte ce langage.
Britannicus.
Ce discours me surprend, il le faut avouer :
Je ne vous cherchais pas pour l’entendre louer.
Quoi ! pour vous confier la douleur qui m’accable,
À peine je dérobe un moment favorable ;
Et ce moment si cher, madame, est consumé
À louer l’ennemi dont je suis opprimé !
Racine, Britannicus, II, 6, 1669.
Contraction, puis débat.
L'éducation passe-t-elle forcément par la désillusion ?
Dans les rapports quotidiens entre adultes et enfants, l'injonction "tiens-toi tranquille" est l'une des plus fréquentes. Pour l'enfant, elle est certainement tout à fait incompréhensible, car se mouvoir ne dépend pas d'une décision qui lui serait propre, mais d'une impulsion aussi impérieuse que le besoin de manger. Cependant il ne viendrait à l'esprit de personne de lui faire manquer les repas, parce que la corrélation entre la nourriture et son développement physique est évidente : il n'en va pas de même en revanche pour le rapport entre mouvement et développement physique et intellectuel. Les adultes trouvent étrange que l'enfant, pour devenir un sédentaire comme eux tous, doive traverser une longue phase d'agitation. Contraints comme ils le sont à certains rythmes, ils subissent avec ennui la perpétuelle agitation des enfants, ils voudraient que ceux-ci deviennent tout de suite des adultes, qu'ils sautent à pieds joints du berceau à l'âge mûr, c'est-à-dire à l'immobilité maximum. Les parents tolèrent mal les jeux de mouvement, ils ne les comprennent pas et donc enjoignent à l'enfant de "rester tranquille" ou "d'aller jouer plus loin".
La motricité requiert une série de coordinations neuro-musculaires délicates et une activité cérébrale intense. Plus l'enfant bouge, plus il a l'occasion de faire des expériences sensorielles dans son milieu, plus ses cellules cérébrales et son intelligence se développent. Réduire ses possibilités de mouvements signifie réduire sa curiosité, son champ d'expériences et donc son intelligence. Un enfant qui grandit dans un milieu pauvre en sollicitations et en liberté développe moins son esprit qu'un autre vivant dans un milieu plus enrichissant, plus varié et plus tolérant. La répression du mouvement chez l'enfant est à interpréter comme un refus de l'accepter tel qu'il est : elle est plus accentuée et constante quand elle pèse sur les petites filles, précisément parce qu'on veut à tout prix qu'elles se conforment au modèle préétabli. Cela signifie que la curiosité et la possibilité de faire des expériences sont moins satisfaites chez les petites filles, moins stimulées, et cet obstacle les empêche presque totalement d'utiliser les sollicitations du milieu pour développer leur intelligence créatrice.
Simone de Beauvoir décrit les sentiments des petites filles qu'on empêche de se risquer physiquement à la conquête d'objectifs difficiles. Même si cette description date de plus de vingt ans, elle garde toute sa valeur. "Elles envient doublement les activités par lesquelles les garçons se singularisent : elles ont un désir spontané d'affirmer leur pouvoir sur le monde et elles protestent contre la situation inférieure à laquelle on les condamne. Elles souffrent entre autres de ce qu'on leur interdise de monter aux arbres, aux échelles, sur les toits. Adler remarque que les notions de haut et de bas ont une grande importance, l'idée d'élévation spatiale impliquant une supériorité spirituelle, comme on voit à travers nombre de mythes héroïques ; atteindre une cime, un sommet, c'est émerger par-delà le monde donné comme sujet souverain ; c'est entre garçons un prétexte fréquent de défi. La fillette à qui ces exploits sont interdits et qui, assise au pied d'un arbre ou d'un rocher, voit au-dessus d'elle les garçons triomphants, s'éprouve corps et âme comme inférieure. […]"
Qu'est-ce qui empêche les petites filles de se mesurer entre elles, ou avec des garçons, dans ces jeux où la force et l'adresse physique ont une part si importante ? Si réellement leur désir de le faire était si grand, elles se risqueraient dans ces entreprises qui les attirent et dont elles souffrent de se sentir exclues. Le fait est que, en cédant à leur impulsion, elles sentent qu'elles sortent de la norme. Les enfants ne supportent pas de se sentir différents de leurs compagnons du même âge, car la différence porte les autres à les juger "bizarres", à les refuser, à les critiquer. Le conformisme leur est nécessaire puisqu'ils ont besoin de règles et de modèles qui les rassurent. […]
Quand une petite fille vive, créative, pleine d'énergie, se mesure dans les jeux de force avec les garçons, elle éprouve toujours un léger sentiment de malaise et de faute ; elle sait obscurément qu'elle n'est pas approuvée, elle sait qu'elle déçoit l'attente d'autrui, elle a toujours devant les yeux le modèle de la petite fille qu'elle ne parviendra jamais à être. Personne ne se réjouit de sa combativité, de son courage, de sa loyauté, de son indépendance : on préfère qu'elle soit docile, conformiste, timide et hypocrite, quitte à le lui reprocher par la suite.
Elena Gianini Belotti, Du côté des petites filles, 1973.