Proposez une traduction en français moderne de ce texte.
On pense que Villon composa ce poème lors de son incarcération dans l'attente de son exécution à la suite de l'affaire Ferrebouc, où un notaire pontifical fut blessé au cours d'une rixe
EN FORME DE BALLADE
Que fit Villon pour lui et ses compagnons, s'attendant être pendu avec eux.
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merci.
Vous nous voyez ci attachés cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Se vous clamons frères, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous les hommes n'ont pas bon sens assis ;
Intercédez donc, de cœur rassis,
Envers le Fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dé à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
ENVOI.
Prince Jésus, qui sur tous seigneurie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous la maîtrise :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'usez de moquerie
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
François Villon, "La Ballade des pendus"
Jean-Baptiste Chassignet publie un recueil de plus de 400 sonnets à l'âge de 23 ans. Catholoique fervent, humaniste, il y développe une vision très pessimiste de l'existence.
Mortel pense quel est dessous la couverture
D'un charnier mortuaire un cors mangé de vers,
Décharné, dénervé, où les os découverts,
Dépulpés, dénoués, délaissent leur jointure :
Ici l'une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d'autre côté détournés à l'envers
Se distillent en glaire, et les muscles divers
Servent aux vers goulus d'ordinaire pâture :
Le ventre déchiré cornant de puanteur
Infecte l'air voisin de mauvaise senteur,
Et le nez mi-rongé difforme le visage ;
Puis connaissant l'état de ta fragilité,
Fonde en Dieu seulement, estimant vanité
Tout ce qui ne te rend plus savant et plus sage.
Jean Baptiste Chassignet, Mépris de la vie et consolation contre la mort, sonnet CXXV, 1594.
Poète baroque, Pierre de Marbeuf évoque souvent l'inconstance des sentiments, la fragilité de la vie et la nature.
Je disais l'autre jour ma peine et ma tristesse
Sur le bord sablonneux d'un ruisseau, dont le cours
Murmurant, s'accordait au langoureux discours
Que je faisais assis proche de ma maîtresse.
L'occasion lui fit trouver une finesse ;
Siluandre (me dit-elle) objet de mes amours,
Afin de t'assurer que j'aimerai toujours,
Ma main dessus cette eau t'en signe la promesse.
Je crus tout aussitôt que ces divins serments,
Commençant mon bonheur, finiraient mes tourments,
Et qu'enfin je serais le plus heureux du monde.
Mais, ô pauvre innocent, de quoi faisais-je cas,
Étant dessus le sable elle écrivait sur l'onde,
Afin que ses serments ne l'obligeassent pas.
Pierre de Marbeuf, Recueil de vers, 1628.