De nombreuses études ont porté sur les élèves du CP à la classe de 6ème. [...] Quand le participe est avec l'auxiliaire avoir, les performances restent très faibles. C'est ce qui a été relevé dans une étude de la DEPP (2022) avec des élèves de CM2 qui ont eu à écrire des phrases avec l'auxiliaire être (Les gamins se sont certainement perdus) et avoir (les enfants…, elle les a peut-être vus). Le pourcentage d'enfants répondant correctement, qui est faible dans le premier cas (36 %), l'est encore plus dans le second (17 %). Qu'en est-il après le primaire ? Selon Chevrot, Brissaud & Lefrançois (2003) l'accord du participe passé avec le sujet représente la plupart (60 %) des erreurs commises par les collégiens. Brissaud & Cogis (2008) ont relevé un accord réussi du participe avec l'objet dans seulement 17 % des copies d'élèves de 3e (la sève que les racines avaient réunie dans le tronc).
Conseil Scientifique de l'Éducation Nationale. (2024). Rationaliser l'orthographe du français pour mieux l'enseigner. Synthèse de la recherche et recommandations. Disponible à cette adresse.
Quelles remarques ces pages de manuels vous inspirent-elles ?
- Haudiquet, F. (2021). Mon carnet de réussite : Français 6e, 5e,4e,3e. Hatier.
- Cléry, J. (2020). Mon cahier de français 6e, cycle 3 : Langue et expression, programmes 2018 et 2019. Belin éducation.
- Paul, J. (2021). La grammaire par les exercices 6e cycle 3 : Grammaire, verbes, orthographe, vocabulaire, expression : cahier d’exercices. Bordas.
De leurs expériences en lecture et en écriture, les élèves acquièrent très tôt des savoirs sur les textes et les mots (David 2003a, 2003b, 2005a). Ils s'en saisissent non pour mémoriser des formes figées, mais pour interroger l'écrit dans ses usages (communiquer à autrui, représenter l'absent, agir sur les autres…), dans ses diverses composantes (rapport entre phonogrammes, relations des mots au texte, fonction des démarcations graphiques et des signes de ponctuation…), dans la compréhension de ses mécanismes (notation des unités de la langue orale, différenciation morphographique, grammaticalisation du nombre, du genre…). Nos travaux montrent que les productions graphiques des élèves – même très jeunes – révèlent des raisonnements souvent logiques et parfois efficients qui ne peuvent se réduire à l'enregistrement passif des formes de l'écrit. Ces expériences individuelles ou collectives, généralement étayées par l'enseignant, sont à la base du développement d'une compétence orthographique qui se manifeste dans les commentaires des élèves.
Chiss, J. & David, J. (2018). Chapitre 6. L'orthographe du français et son apprentissage. Dans : , J. Chiss & J. David (Dir), Didactique du français: Enjeux disciplinaires et étude de la langue (pp. 229-248). Paris: Armand Colin
Les étudiants retiennent « qu'avec avoir, on n’accorde pas. » Cette affirmation est remise en cause par l’étudiant E59 qui signale son doute :
E59 : tu es sûre de ce que tu dis ? - les participes c’est plus compliqué que ça - faut d’abord savoir si c’est COD ou pas
E23 : et comment tu fais ?
E59 : tu poses la question quoi ? ou qui ?
E33 : moi je mets la forme au féminin - par exemple dans le texte on a ils ont découvert mais si tu dis elles ton participe c’est le même - mais tu dirais la fille ils l’ont découverte et là tu entends que tu accordes l’ c’est-à-dire la fille et là il est COD ton GN - c’est ça madame ?
[...]
CHERCHEUSE : et pour connu dans ils l’ont connu - comment vous avez fait pour écrire la fin de connu ?
E59 : bah j’ai écrit U
E23 et E33 : moi aussi
CHERCHEUSE : maintenant vous feriez pareil ?
E23-E33-E59 : oui
E33 : non non là attendez les gars non là c’est comme tout à l’heure - c’est pour ça que la prof elle nous demande - ouai là si je dis ils l’ont découverte - la fille bah ça marche
E23 : quoi ça marche ?
E33 : bah ça veut dire que connu et ben ça prend un -e
E23 : moi je l’ai jamais vu avec un -e - connu
Lavieu-Gwozdz, B. (2023). Le discours métagraphique : un outil de formation des futurs enseignants pour mieux réussir en orthographe. Le français aujourd'hui, 223(4), 49-59. https://doi.org/10.3917/lfa.223.0049.
Dans les phrases qui suivent, de quel verbe s’agit-il, quel est l’auxiliaire (être ou avoir) et quel est le participe passé (désormais pp) ? (1) Elles n’avaient guère, durant toute leur enfance, été récompensées. (2) Ils ont été bien formés. (3) Fidèle, je l’ai été, avait-elle protesté ! (4) Elle n’a jamais pu savoir si quelqu’un avait retrouvé son manuscrit. (5) Nous avons beaucoup appris au cours de notre stage, même s’il y a eu un certain nombre de problèmes. L’auxiliaire peut être séparé du pp (comme dans les phrases 1 à 5), être composé de deux termes (1 et 2) et même combiner être et avoir. Rien n’est moins certain que la reconnaissance des verbes à un temps composé.
Chartrand, S.-G. (2012). « Accorder les participes passés avec “avoir”, ça ne devrait pas être si difficile, voyons ! » Correspondance - CCDMD. Correspondance. Volume 17, numéro 3. https://correspo.ccdmd.qc.ca/document/le-cadre-de-mesures-fait-des-petits/accorder-les-participes-passes-avec-avoir-ca-ne-devrait-pas-etre-si-difficile-voyons/
Linguistiquement, la catégorisation du participe passé ne va pas de soi, une question essentielle sous‑tendant les différentes analyses étant de déterminer si l’unité relève de la catégorie verbale ou adjectivale. [...] La ligne de partage entre la forme verbale passive et l’adjectif déverbal s’avère toutefois délicate à tracer, le participe passé présentant des propriétés relevant de l’une et de l’autre des catégories. On peut ainsi noter qu’un participe comme aimé peut aussi bien être employé avec un complément agentif (une femme aimée par tous) que coordonné à un adjectif qualificatif prototypique (une femme généreuse et aimée). Syntaxiquement, le participe passé peut tout à fait figurer à droite du verbe être, la question se posant alors de savoir si l’on est en présence d’un auxiliaire de conjugaison ou d’une simple copule. Du point de vue interprétatif, il n’est pas toujours évident de trancher entre une valeur passive du participe et une valeur plus adjectivale. Pour Noailly (1999) « on doit admettre un continuum entre les deux valeurs [forme verbale et forme adjectivale], l’interprétation adjective reposant plutôt sur la constatation d’un état, sans considération de sa cause, et l’interprétation verbale mettant en jeu davantage l’effet résultatif d’un changement initial » (p. 19). Goes (1999) considère, quant à lui, que les différences entre adjectif et participe sont plus nombreuses que les ressemblances.
Valma, E., & Corteel, C. (2025b). Quelle conceptualisation du participe passé à valeur adjectivale chez les élèves de cycle 3 ? Lidil, 71. https://doi.org/10.4000/13vaz
On nous a tous dit qu’il fallait poser la question Qui ? ou Quoi ? après le verbe pour trouver son complément direct (compl. direct du V). Alors pourquoi n’y arrive-t-on pas à tout coup ? Parce que cela ne suffit pas. Il faut avoir conceptualisé plusieurs notions grammaticales, c’est-à-dire pouvoir se les représenter à partir de toutes leurs caractéristiques et mobiliser cette représentation lorsque nécessaire ; il s’agit d’un processus complexe et couteux cognitivement, et qui dépasse de beaucoup la capacité de redire règle et définitions retenues à force de répétitions. Les mots complément (unité sous la dépendance d’une autre) et direct (non prépositionnel) doivent avoir été conceptualisés. [...] Voilà pour les savoirs. Pour les savoir-faire : outre les procédures habituelles pour déterminer si le verbe a une construction directe ou indirecte (Qui ? Quoi ? / À qui ? À quoi ? ou verbe + quelque chose ou à quelque chose, etc.), il faut utiliser la manipulation de remplacement par un pronom (pronominalisation), qui est la seule véritablement rigoureuse pour identifier tout compl. direct du V. [...] Une fois qu’on a trouvé l’unité qui est compl. direct du V, il faut dégager le noyau du groupe nominal ou repérer l’antécédent du pronom pour bien déterminer le genre et le nombre du nom donneur. C’est alors que les traits morphologiques du nom seront donnés au receveur qu’est le pp d’un verbe conjugué à un temps composé. On aura fait l’accord.
Chartrand, S.-G. (2012). « Accorder les participes passés avec “avoir”, ça ne devrait pas être si difficile, voyons ! » Correspondance - CCDMD. Correspondance. Volume 17, numéro 3. https://correspo.ccdmd.qc.ca/document/le-cadre-de-mesures-fait-des-petits/accorder-les-participes-passes-avec-avoir-ca-ne-devrait-pas-etre-si-difficile-voyons/
Au total, les adultes connaissent les règles au moins en ce qui concerne l'accord de l'adjectif, du verbe, et même du participe passé employé seul ou comme attribut (moins bien pour le participe passé employé avec avoir). La plupart du temps, ils ne s'y réfèrent pas : s'ils le faisaient, le coût en attention ou en mémoire serait tel qu'ils ne parviendraient plus à rédiger. Ils font appel à une procédure soit simplifiée, sans doute automatisée, d'accord avec le mot qui précède, soit de récupération en mémoire d'une forme toute fléchie. Ces procédures réussissent presque toujours du fait de la fréquence avec laquelle elles sont mobilisées lors de la rédaction ou de la lecture de textes. [...] Chez les adultes, et peut-être chez ceux qui reçoivent un entrainement intensif, un mécanisme jusqu'alors peu étudié évalue la compatibilité sémantique entre le nom et le verbe ou entre l'adjectif et le nom. Lorsque la compatibilité est élevée, l'erreur potentielle passe inaperçue : des erreurs subsistent même dans des textes très contrôlés (grands journaux, thèses). Lorsque la compatibilité est faible, l'attention du rédacteur se trouve éveillée. Si l'auteur dispose de suffisamment de temps et d'attention, il utilise la règle et la procédure explicites : il peut ainsi corriger l'erreur avant même de l'avoir transcrite, mais au prix d'un coût élevé en mémoire et en attention. Ces constats amènent à s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à enseigner des stratégies optimales, focalisant l'attention des enfants et adultes sur des configurations à risque, de manière à ce qu'ils consacrent leurs ressources cognitives aux situations les plus pertinentes.
Fayol, M. & Jaffré, J. (2014). L'orthographe. Presses Universitaires de France.
L'objectif du chantier est de faire appréhender une loi de fonctionnement de l'orthographe ; cette loi peut concerner aussi bien l'orthographe lexicale que l'orthographe grammaticale.
Le travail se déroule en plusieurs phases : il commence par l'observation de formes respectant la norme et illustrant cette loi, suivie d'un premier constat, fait par les élèves ; il continue avec la vérification de ce fonctionnement dans un autre corpus ; il aboutit à une synthèse suivie d'exercices d'entraînement.
Les moyens utilisés sont variés : le tri, la comparaison, le classement, la formulation des critères et des règles, la recherche de nouveaux exemples, la construction d'un nouveau corpus. Le questionnement des élèves est le moteur de l'avancée du chantier d'étude.
Brissaud, C., & Cogis, D. (2011). Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui ?
Soit le corpus suivant.
1. Individuellement, observez le corpus, puis ébauchez un classement.
2 Par groupes de deux ou trois, faites un synthèse de vos propositions.
Accorder un participe devient une démarche explicite :
1. Repérage du participe passé (grâce à la morphologie et à la position).
2. Repérage d'un « support », terme général sous lequel Wilmet regroupe tous les donneurs d’accord. Ce repérage s’opère grâce à la question « qui/qu’est-ce qui est/était/sera/, etc. participe passé ». Avec les verbes pronominaux, la question est « qui/qu’est-ce qui s’est/s’était/se sera/, etc. participe passé ».
3. Le participe passé prend les marques du support. Sauf en cas de « blocage », lequel peut être :
– la postposition de ce support ;
– l’un des « cas particuliers » de la tradition, redéfini simplement : le pronom en, un verbe impersonnel, etc.
4. En cas d’absence de support, ou de blocage de ce dernier, le participe passé prend par défaut la marque du masculin singulier.
Cerquiglini, B. (2021). Un participe qui ne passe pas.